En l’espèce, le contrat de partenariat commercial était un contrat de franchise mais les principes auraient également pu s’appliquer s’il s’était agi d’un autre contrat, tel un contrat de concession ou d’agence commerciale.
Nous nous concentrerons ici uniquement sur les aspects du litige concernant la remise de ce DIP.
Dans cette affaire, un accusé de réception des projets de contrat et du DIP, daté et signé par le candidat, était produit dans la procédure. Par contre, aucun exemplaire du DIP prétendument signé par le candidat n’était déposé. En outre, dans le préambule des contrats, l’emplacement destiné à indiquer la date de remise du DIP était vide.
Le tribunal en conclut que le franchiseur, auquel la charge de la preuve de la remise du DIP incombe, ne démontrait pas qu’un DIP répondant aux conditions imposées par la loi avait été remis en l’espèce.
Le tribunal indiqua alors que le non-respect de l’obligation de remettre un DIP conforme à la loi est sanctionné par la nullité du contrat (article X.30, §1 CDE), laquelle doit cependant être invoquée dans un délai de deux ans à dater de la signature d’un contrat.
Or, en l’espèce, ce délai était dépassé, ce que constata le tribunal. Il conclut donc, de manière logique, que la nullité du contrat sur base de cet article ne pouvait plus être invoquée.
Le tribunal poursuivit ensuite son raisonnement en examinant l’hypothèse d’une nullité de certaines « dispositions importantes » du contrat. Rappelons en effet que l’article X.30, §2 CDE prévoit que, si le DIP ne contient pas certaines des « dispositions importantes » mentionnées à l’article X.28, §1, 10 CDE, le partenaire peut invoquer la nullité de ces dispositions du contrat.
Le tribunal estima que cette sanction pouvait également s’appliquer dans l’hypothèse où aucun DIP n’a été remis et ne devait pas être limitée à l’hypothèse où un DIP a été remis mais ne contient pas toutes les « obligations importantes » du contrat.
Il en conclut que les franchisés étaient en droit d’obtenir la nullité des dispositions importantes des contrats signés (telles que les dispositions relatives au mode de calcul de la rémunération, aux obligations en matière de publicité ou aux conséquences de la fin des contrats). Le tribunal considéra notamment comme nulles les clauses du contrat relatives à sa durée ainsi que la clause de non-concurrence post-contractuelle.
Tout d’abord, elle évoque la question, très importante en pratique, de la preuve du respect des obligations d’information précontractuelle.
Il me semble cependant que deux choses doivent être distinguées à cet égard : la preuve de la remise du DIP et la preuve de son contenu. La solution la plus sûre pour celui qui remet un DIP est probablement de conserver une copie des documents datés et signés « pour réception » par le candidat.
En l’espèce, la décision du tribunal est relativement sévère dans la mesure où, alors qu’un accusé de réception distinct existait, le tribunal a considéré que la remise d’un DIP n’était pas suffisamment prouvée. Dans une telle hypothèse, la nullité du contrat dans son entièreté peut donc être sollicitée, mais doit être invoquée dans un délai de deux ans, dépassé en l’espèce.
Si l’on peut comprendre qu’une accusé de réception ne permette pas de prouver le contenu des documents prétendument remis, on pourrait imaginer que certaines juridictions considèrent par contre qu’un tel accusé de réception suffit à prouver la remise des documents mentionnés de telle sorte que le candidat ne pourrait pas invoquer la nullité du contrat dans son entièreté en vertu de l’article X.30 §1 CDE, mais seulement la nullité de certaines dispositions.
Par ailleurs, contrairement à ce que décide le Tribunal en l’espèce, il ne me semble pas que les sanctions prévues à l’article X.30 §1 (nullité du contrat) et X.30 §2 (nullité de certaines dispositions importantes) sont toutes deux susceptibles de s’appliquer en l’absence de DIP. Dans ce cas en effet, seule la nullité du contrat pourrait éventuellement invoquée, dans un délai de deux ans sur base du CDE ou, après ce délai, sur base du droit commun des vices de consentement (et de la prescription par 10 ans).
La possibilité d’invoquer la nullité de certaines dispositions importantes doit quant à elle être limitée aux cas où un DIP est remis mais est incomplet. A partir du moment où le Tribunal a, en l’espèce, estimé qu’il se situait dans l’hypothèse visée par l’article X.30 §1 et qu’aucun DIP n’avait été remis, il me semble contestable de permettre l’invocation de la nullité de certaines dispositions contractuelles importantes.
Cette interprétation du tribunal me paraît contraire tant à l’esprit de la loi qu’à son texte. En effet, l’article X.30 §2 sanctionne l’hypothèse dans laquelle « le document particulier ne comprend pas les données … », ce qui suppose donc bien qu’un « document particulier » ait été remis.
En outre, la solution retenue par le tribunal aboutit à permettre au franchisé d’invoquer la nullité soit de l’ensemble du contrat, soit de certaines dispositions contractuelles de manière tout à fait aléatoire, en fonction de ses intérêts. Tel n’était certainement pas l’objectif du législateur qui souhaitait rétablir un équilibre entre une partie présumée « faible » et une autre présumée forte, en veillant que la partie « faible » soit correctement informée avant de s’engager dans la relation contractuelle.
Cette décision a néanmoins le mérite de rappeler l’importance pour les parties de respecter les obligations d’information précontractuelle et de s’en ménager la preuve.
Cécile Staudt
Avocate au barreau de Bruxelles