Le cas de la franchise Pingouin et la disparition du métier du fil à tricoter. Comment un monstre de puissance et d’innovation a t’il pu sombrer corps et biens ? C’est le sujet traité par Jean Samper d’AC Franchise dans le chapitre « LA DISPARITION DU METIER DU RESEAU DE FRANCHISE, étude du cas Pingouin.
Il s’agit du chapitre 3 de l’ouvrage collectif rédigé par 27 experts de la Fédération Française de la Franchise et ayant pour titre « Le défi de la réussite partagée, tome III de la collection « La franchise expliquée par les experts ».
« Après un bref rappel historique, nous verrons comment Pingouin a pu développer sa franchise et notamment quels sont les « maîtrises métiers » qui l’ont permis. On pourrait aussi parler de savoir-faire plutôt que de métiers.
Puis nous verrons ce qui a provoqué sa mort et notamment quels sont les métiers qui ont disparu. Il faudrait un lourd ouvrage, ce serait presque un roman historique, pour décrire tout par le menu et je m’efforcerai de ne décrire que ce qui permet d’illustrer le thème de la disparition du métier du réseau. Néanmoins aborder le thème de la disparition du métier sans avoir décrit l’apparition de ces « savoir faire métiers » dans l’historique ne permettrait pas de comprendre.
Enfin nous essaierons d’en tirer des enseignements pour une réflexion applicable plus universellement.
Histoire d’un succès international en franchise.
C’est Pingouin, une marque de la Lainière de Roubaix appartenant au groupe Prouvost, qui vers 1926-1929 a élaboré un nouveau type de collaboration avec ses clients en France puis en Europe. Il s’agissait de mettre en place un nouveau canal de distribution plus stable, plus fidèle et bien plus performant que les traditionnelles boutiques multimarques et multi-produits. A la même époque General Motors mettait au point un système présentant quelques points communs pour vendre ses voitures sur le marché US lourdement touché par la crise de 1929 aux USA. La Franchise est bien née simultanément des deux côtés de l’Atlantique et des deux côtés elle avait le même but : écouler une production par un réseau plus stable, plus représentatif, plus efficace et mieux maîtrisé.
Et ce fut un succès car à la fin des années 40, Pingouin comptait 350 franchisés dans une Europe qui n’en comptait guère plus. Je devrais plutôt dire que l’enseigne flottait sur 350 magasins Pingouin car le mot franchise n’existait pas. Le système de la franchise n’avait pas encore révolutionné le monde des affaires car il fut bien peu copié en Europe avant les années 70. Nous français, ne l’avions pas codifié, pas défini par écrit et pas diffusé. D’ailleurs, les dirigeants de Pingouin, lorsqu’on leur expliqua ce qu’était la franchise dans les années 60, s’étonnèrent de constater qu’ils faisaient de la franchise sans le savoir. Dans les années 70, parfois à tort, on se moquait encore un peu dans les couloirs de ces consultants et avocats venus expliquer ce que le groupe faisait déjà depuis plus de 40 ans. D’ailleurs Pingouin fit partie des fondateurs de la Fédération Française de la Franchise.
Et pour cause, en 1975, lorsque j’ai été recruté par la lainière de Roubaix, il y avait environ 3500 magasins sous enseigne Pingouin principalement en Europe dont 1850 en France. Le modèle de la franchise avait aussi été utilisé par le groupe Prouvost pour créer des centaines de franchises Rodier et avait été copié par des dizaines de marques textiles formant ainsi le noyau de la franchise en France, un noyau marqué par deux caractéristiques, les créateurs des premiers réseaux étaient principalement des industriels et l’objectif était de distribuer efficacement leur production.